Extension de maison, Tournon-sur-Rhône, photographie Philippe BENOIT
Penser l’architecture en termes de terroirs ne peut incomber aux seuls architecte. On comprend facilement que les enjeux sont tels qu’ils transcendent la simple filière du bâtiment mais concernent également les sphères politiques, d’aménagement du territoire, l’économie etc. Nous, architectes avons cependant notre rôle à jouer en faisant preuve de pédagogie, en faisant d’ores et déjà des choix de matériaux sains, en tenter d’influer sur les conception pour prendre en compte les composantes de climat dans le bâtiment, les cycles de vies, etc.
Il s’agit de ne plus compter sur des produits industriels sans réfléchir, mais de jouer une part active dans la réduction des GES de nos ouvrages. Enfin faire disparaitre «l’eco-conception» pour qu’il n’existe plus que des «conceptions», intrinsèquement écologiques.
Sans chercher à établir une recette de cuisine mégalomane applicable à tout un chacun, il faut dégager tout au moins quelques enjeux et des pistes de réponses.
D’abord, réinvestir le monde rural et le périurbain signifie prendre en compte qu’il est nécessaire d’endiguer le phénomène d’artificialisation des sols qui rend incultivable environ 60 000 hectares/an (1). Pour ce faire, il s’agirait de réutiliser tout ce qui peut l’être. Les centre bourgs d’abords, dont la plupart ont été vidés de leurs habitants par la perte des emplois locaux, et le désir populaire de posséder une maison individuelle avec jardin et portail.
Des stratégies visant à réintroduire l’emploi pourrait peut-être porter ses fruits, cependant, il est essentiel de comprendre le ou les modes de vie actuels de ces endroits, presque systématiquement dépendant de la voiture.
Il me semble être une lubie illusoire d’urbain de croire que les véhicules vont disparaitre dans un futur proche ou moyen. Soixante-ans d’aménagement du territoire à leur profit laisse des traces profondes. Il me semble plus intéressant de travailler sur l’usage de nouveaux lieux pour limiter l’utilisation de véhicules polluants.
Le monde périurbain, et une partie du monde rural, est divisé entre trois entités: la sphère du logement, celle du travail, et celle des loisirs/de la consommation. Chacune d’entre elle est séparée des autres par une distance plus ou moins conséquente, dans laquelle se logent des espaces de production en creux : des champs ou des bois.
Dans ce cadre, les déplacements ne peuvent être fait qu’en voiture, provoquant par la même de nombreux désagréments : cout élevé des véhicules (dont chaque foyer peut posséder plusieurs exemplaires), temps de transport important, pollution, absence d’espaces publiques conviviaux etc. En mêlant les programmes d’au moins deux de ces sphères entre elles, soit par exemple mélanger les programmes de travail et de consommation, on diminue d’autant les besoins d’utilisation de véhicules, pour peux que les espaces soient bien aménagés.
Chiron, Guillaume, titre inconnu, collage, www.chambre237.com
L’idée n’est pas d’ouvrir de nouveaux supermarchés dans des zones industrielles (ce qui existe déjà), mais plutôt de créer de nouveaux programmes articulés autour de l’espace public, de la convivialité, du paysage, en réintégrant la notion de production dans des zones uniquement dédiées à la consommation.
Ces espaces ne sont par ailleurs utilisés qu’une partie de la journée. Repenser leur temps d’utilisation en ajoutant de nouvelle fonctions sur ces sols déjà artificialisés peut être également une piste pour améliorer la dépendance aux transports et aux énergies qui leurs sont liées, à la consommation de terrain.
Ensuite, une réactualisation du local en architecture pourrait signifier un changement dans la pratique même de la conception. Plutôt que de faire coïncider un projet à des produits industriels en phase de chantier, il serait possible de travailler dès les premières esquisses avec un matériau donné. Comme un cuisinier qui va sélectionner sa viande sur pied, les maîtres d’œuvre et maîtres d’ouvrage pourraient se déplacer ensemble chez un producteur pour choisir tel pierre, tel arbre pour leur projet.
Ce type de méthodologie serait en rupture avec le modèle actuel de division des tâches, et pourrait donner un sens nouveau au métier.
Ce changement de paradigme définirait de nouveaux mœurs. Des espaces apparaîtrait au contact de programmes inédits : des villes orientées autour d’une production énergétique locale, des lieux de production agricole mêlant habitats, services, etc.
L’architecture pourrait intégrer plus de sens comme le goût, l’odorat, et s’inspirer des autres arts comme le théâtre qui a déjà fait cette transformation. En étant produite localement, l’architecture ne pourrait-elle pas prendre exemple sur la cuisine et devenir une affaire de terroir? Ce faisant, on augmenterai la richesse culturelle de nos territoires, rendant le tourisme (local) d’autant plus attractif.
SUITE :
(1) Chiffre donné dans l’article «artificialisation», fr.wikipedia.org, consulté le 09.07.2019
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